TRIBUNE
MIEUX PRÉVENIR ET LUTTER CONTRE LE HARCÈLEMENT SCOLAIRE :
Récemment, les suicides de Lucas 13 ans, Thibault 10 ans et Lindsay 13 ans ont suscité une grande émotion collective et, dans une moindre mesure, une analyse critique des dispositifs de prévention qui ont failli.
Ces cas médiatisés jettent une lumière crue sur la violence des relations entre jeunes, dès l’école, au collège, au lycée, sur les réseaux sociaux. Néanmoins, il faut savoir que le phénomène de harcèlement est très fréquent, puisqu’il concerne 10 % des élèves par an, et 70% des 15 – 20 ans déclarent avoir subi des violences (Baromètre 2022 des Apprentis d’Auteuil). Et on peut penser que l’évolution naturelle de la société – à commencer par l’usage de plus en plus jeune des écrans, dont on sait désormais qu’elle augmente l’agressivité – va faire croître encore ces chiffres alarmants. Sans se lancer dans une analyse critique des dispositifs existants qui sont nombreux, plusieurs éléments peuvent être pointés :
- Les numéros nationaux (3018 et 3020) ne semblent pas bien connus des professionnels, ni des élèves,
- Les plateformes exploitant les réseaux sociaux ne semblent pas respecter leur engagement pour lutter contre le harcèlement,
- Le renforcement récent des peines en cas de cyber-harcèlement qui va pourtant dans le bon sens, ne suffit pas à faire reculer des harceleurs qui n’ont pas conscience de la gravité de leurs actes, ni des conséquences.
Il manque surtout au dispositif légal et administratif en place une procédure qui permette de faire stopper rapidement les agressions physiques et morales, ayant lieu hors temps scolaire, la nuit comme le week-end, et dont la violence et la répétition conduisent au suicide. Il ne semble pas qu’il y ait un réel déficit de lois ou de règles, il y a un véritable défaut de vitesse, donc de coordination des acteurs en charge par rapport au délai limité pendant lequel une grande souffrance peut être supportée.
A PHARE Enfants Parents nous accueillons et accompagnons des jeunes en mal-être ainsi que leur famille, des parents dont un enfant s’est suicidé, ainsi que les frères et sœurs de l’enfant.
Nos psychologues interviennent chaque semaine dans des établissements – collèges, lycées – pour écouter les élèves en mal-être, leur permettre d’avoir le regard d’un adulte extérieur à l’Éducation Nationale, les conseiller, les aider à s’en sortir. Les cas de harcèlement sont fréquents, ils sont généralement associés à d’autres facteurs augmentant les risques de suicide. Nous constatons que, quand un enfant souffre, toute la famille est en souffrance : la famille aussi a besoin d’être soutenue.
Notre expérience terrain montre que la prise en charge des situations de harcèlement doit être globale et inclure :
- Une prise en charge du jeune en situation de harcèlement qui a besoin d’être protégé à très court terme. Toutefois sécuriser est loin d’être suffisant, il faut l’aider à trouver la force de surmonter cette expérience, et apprendre ce qu’elle lui révèle de lui-même, pour devenir plus résilient : l’enjeu éducatif est majeur.
- Une prise en charge du ou des harceleurs. Voilà qui ne tombe pas sous le sens, mais le harceleur est vulnérable lui-même. S’il exploite avec jouissance une faille qu’il a repérée chez autrui, c’est qu’il a besoin d’être sensibilisé aux impacts de ses propres comportements. Il lui faut apprendre à se questionner sur ce qu’il éprouve à exclure des personnes de son cercle et à les maltraiter, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Et comme il arrive qu’un harcelé devienne à son tour harceleur, l’attente d’un cadre éducatif clair est commune aux deux situations.
- Une prise en charge de la famille de l’enfant harcelé, qu’elle soit ou non informée de la situation. Elle doit mieux comprendre ce qui se passe, aider à décrypter les comportements de son enfant, privilégier certains comportements à d’autres.
- La formation des professionnels de l’enseignement. La plupart ne sont pas formés, sont parfois dépassés ou débordés par la multiplicité de leurs tâches, et doivent apprendre à repérer les situations graves parmi les multiples situations de tension entre adolescents. L’Education Nationale dispose d’un protocole et d’outils. Elle doit amplifier les moyens alloués à sa mise en œuvre, former davantage ses personnels, allouer du temps au traitement de ces situations.
Nous, PHARE Enfants Parents, appelons donc à faire mieux connaître et à renforcer les dispositifs de prise en charge du harcèlement, tant à l’Éducation Nationale qu’au niveau sociétal par le levier des associations qui s’investissent dans la prévention du suicide et dans la lutte contre le harcèlement. Nous appelons à ce que les prises en charge de ces situations soient globales et coordonnées.
Puisse l’indignation collective face à l’inacceptable se poursuivre et s’amplifier ! La logique médiatique, selon laquelle un sujet chasse l’autre, ne doit pas s’appliquer ici : Il s’agit de nos enfants. Chaque suicide est intolérable.
Pour que cela change : l’Éducation Nationale doit s’investir pleinement contre la violence, et dans la prévention des actes de harcèlement, notamment en réorientant ses fondements éducatifs sur la base du RESPECT d’autrui et de soi-même.